La RQDO, paradigme de l’entreprise de l’ESS de transition basé sur les communs ?

la ruche qui dit oui

En juillet 2012 l’association Vecam lança un appel en vue de constituer un réseau francophone autour des biens communs. Depuis, un certain nombre d’ateliers, conférences, discussions furent lancés pour vulgariser et diffuser le concept des communs. Une liste de diffusion, « Echanges » vit le jour. C’est sur cette liste qu’un message un peu provocateur annonçait la rédaction d’un article sur une entreprise qui propose une plateforme d’intermédiation entre producteurs agricole et consommateurs favorisant le circuit court. Le monde étant finalement petit, ce message fut transféré aux co-fondateurs de la Ruche qui dit oui (RQDO). L’occasion pour le réseau francophone autour des biens communs de rencontrer le monde entrepreneurial et vice versa.
IGE, en raison des activités de son gérant en faveur du libre, de la Transition et des Communs était présente à cette rencontre du 17 sept. 2014. Nous étions particulièrement intéressés par deux questions soulevées dans un document de préparation de cette réunion. 1. Serait-il envisageable de libérer la plate-forme d’intermédiation qu’utilise la ruche qui dit oui ? – 2. Les données des producteurs et leurs produits pourraient-ils être accessibles en open data ?
Après un rappel de l’objet de la RQDO par ses fondateurs, on s’interrogea sur le coeur de métier de la RQDO. D’autres questions liées aux communs furent débattues à l’occasion de ces échanges fructueux entre entrepreneurs et « commoners ».

L’objectif de départ : faire bouger les lignes du circuit court

Les deux cofondateurs de « la ruche qui dit oui », sont revenus sur les origines du projet, les difficultés qu’ils ont eues pour trouver les financements, le pragmatisme dont il a fallu faire preuve et leurs relations parfois tendues avec certains membres d’Amap.

Dès le départ, le projet avant d’être économique ambitionnait de faire bouger les lignes du circuit court. Il s’agit d’un projet sociétal destiné à faire évoluer le modèle de la distribution et qui souhaite s’inscrire dans la durée. L’état d’esprit n’a jamais été celui de gagner beaucoup d’argent et de faire la culbute en revendant l’entreprise. Pour en arriver là où la RQDO en est actuellement, il a fallu composer avec le cadre économique actuel.

Nous avons pu constater la grande ouverture avec laquelle l’ensemble de l’équipe de la Ruche qui dit oui réfléchissait aux évolutions futures. Aucune porte n’a été fermée mais la RQDO est encore fragile. Elle n’est pas encore parvenue à l’équilibre financier et elle doit aussi satisfaire ses investisseurs. Par ailleurs, le développement de la plate-forme a nécessité des investissements importants et il serait risqué sans avoir bien préparé les prochaines étapes de basculer la plate-forme en libre et le contenu de ses bases en open data. Notons au passage, qu’une collaboration ponctuelle avec Open Food Fact a déjà eu lieu. Dès 2015, il est envisagé de libérer les données relatives aux producteurs et aux produits qui ne relèvent pas de la sphère privée.

La vraie richesse de la RQDO : la connaissance de son écosystème plutôt que le développement d’un outil numérique ?

L’équipe de la RQDO semble unanime à penser que, plus que ses bases de données ou la plate-forme qu’elle propose, c’est avant tout l’écosystème qu’elle a contribué à créer qui fait la richesse de l’entreprise.« Il n’est de richesses que d’hommes. » disait déjà J. Bodin.

Il y a un certain nombre de libristes parmi les développeurs de la plate-forme d’intermédiation. Nous avons par ailleurs cru comprendre que pas mal de technologies open source étaient mises en oeuvre. On peut donc raisonnablement penser à une évolution (dès que possible) vers un logiciel libre et open source, surtout si l’on ajoute :
a. que le développement et la maintenance d’un logiciel coûte cher,
b. qu’une des raisons de l’essor de l’open source, c’est la possibilité d’avoir un produit meilleur et moins cher grâce aux contributions d’une communauté auto-gérant la ressource qu’est le logiciel.

Le ticket d’entrée vers l’intermédiation grâce aux outils numériques étant moins élevé si l’outil est offert, on pourrait imaginer que cela facilite l’essor d’autres communautés intéressées par le circuit court dans d’autres secteurs d’activités, d’autres régions ou pays… Des communautés qui à terme, renforceraient les effectifs des développeurs et contributeurs à l’outil originel. Etre le premier à rendre sa plate-forme d’intermédiation libre pourrait donc être stratégique afin d’assurer sur le long terme la maintenance de l’outil et préserver le coeur de l’activité de la RQDO, le développement de l’écosystème du circuit court entre producteurs et consommateurs de produits alimentaires.

La libéralisation du code source de la plate-forme, était dès le départ évoqué comme piste pour évoluer vers plus de commun au sein de la RQDO. Mais qu’est-ce qu’un commun ? La RQDO, n’est-elle pas déjà un commun ? Quelles questions pratiques cela pose-t-il pour une entreprise d’évoluer vers les communs ?

Pouvoir évoluer vers plus de communs ?

Nous prenons comme définition des communs, l’existence d’une ou plusieurs ressources gérées par des gens, formant une communauté, qui se sont eux-mêmes donnés leurs règles de fonctionnement. Un fonctionnement pour le bien commun et qui ne vas pas à l’encontre de l’intérêt général.

En écoutant les différentes interventions, il nous a semblé que la Ruche qui dit oui formait véritablement une communauté et que, malgré les contraintes économiques, ils avaient trouvé une forme d’équilibre alliant éthique et pragmatisme. La perfection n’étant pas de ce monde, il était particulièrement louable de vouloir rencontrer des membres du réseau francophone autour des biens communs. Cela, pour échanger, se présenter, découvrir si des synergies étaient possibles, imaginer des évolutions de modèles, améliorer ce qui existe déjà ou s’inspirer d’un cas existant.

Pourquoi avoir choisi le statut de SAS ? Comment s’inscrire dès le départ dans l’économie sociale et solidaire ? Peut-on prévoir dans les statuts une clause imposant que les investisseurs se retireront lorsqu’ils auront « récupérer » x fois leur investissement ? Serait-il possible de créer des statuts type de SAS de l’économie social et solidaire ? Comment valoriser les contributions bénévoles sans pour autant casser la dynamique ? Comment financer le commun ? Comment faire évoluer les entreprises vers plus de commun ?
Autant de questions pratiques qui bien que n’ayant pas trouvé de réponses toutes faites, ont permis de faire avancer les réflexions tant du côté entrepreneurs que militants des communs.

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Une question en guise de conclusion ou d’objectif à atteindre. La RQDO, un paradigme de l’entreprise de l’économie sociale et solidaire de transition (ESST) basé sur les communs ?
[Un article publié dans Mediapart, synthétise beaucoup d’éléments sur la RQDO qui revient sur des critiques parfois virulentes dont elle est l’objet. Une mauvaise image dont la RQDO s’était expliquée avec les membres du réseau francophone des communs lors de la rencontre du 17 sept. 2014. L’article du 22 dec. 2014 propose une autre question en conclusion de son article qui fait écho à notre question sur l’ESST : « La ruche qui dit oui est une belle entreprise. Il semble cependant difficile de la classer dans l’économie sociale et solidaire… mais est-ce vraiment un problème ? »] Ajout du 31/12/2014.

Le 24 sept. 2014
Mis à jour le 31 dec. 2014
CD

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